Les impacts économiques du COVID-19 sur les femmes

Comprendre les faits derrière l’impact économique et social disproportionné sur les femmes et les meilleures pratiques pour une reprise juste

Par: Gurleen Aujla and Allyson Soriano, Créatrices et stratèges de contenu de médias sociaux

Traduit par: Romina Razuri Landaure 

Un an après le début de la pandémie de COVID-19, nous avons vu notre monde basculer. Les retombées économiques ont été ressenties par tout le monde, les femmes étant les principales touchées par ces impacts. COVID-19 a amplifié les vulnérabilités économiques existantes auxquelles les femmes sont confrontées tout en donnant lieu à un taux de chômage alarmant. Nous avons plus que jamais besoin de la sécurité économique des femmes, et notre plan de relance doit inclure une lentille intersectionnelle afin qu’aucune femme ne soit laissée derrière.

Pertes d’emploi

Figure 1

Au moment où les mesures de confinement étaient au plus restreint de la COVID-19, de nombreuses entreprises ont dû fermer temporairement et les industries les plus durement touchées employaient principalement des femmes. Cela inclut, mais sans s’y limiter, la vente au détail, les services de restauration, l’hôtellerie et le tourisme. Les femmes représentent une quantité disproportionnée de pertes d’emplois liées à la COVID-19 au Canada, avec une représentation encore plus importante pour les femmes asiatiques et noires. Il s’agit d’un contraste saisissant avec les récessions précédentes où les hommes étaient plus susceptibles d’être mis à pied que les femmes. Nous sommes actuellement dans ce qu’on appelle une « she-cession» en anglais; cela faisant mention à une récession féminine.

En mars et avril 2020, la Banque Royale du Canada a signalé 1,5 million de femmes ayant perdu leur emploi à l’échelle nationale, déclarant que «les femmes représentaient 45% de la baisse des heures travaillées… mais ne représenteront que 35% de la reprise». Si l’on examine la figure 1, la trajectoire des taux de chômage selon les genres montre que les femmes sont continuellement confrontées à un niveau de chômage plus élevé. Un pic notable dans les données est affiché en janvier 2021, où les femmes ont fait face à un pic de 12,79 % du taux de chômage, contre 3,3 % pour les hommes. En ce qui concerne les entreprises appartenant à des femmes, elles ont été obligées de licencier un «pourcentage disproportionnellement plus élevé de leurs employés que les entreprises appartenant à des hommes».1

Ces statistiques démontrent clairement l’impact déséquilibré sur les femmes et la nécessité d’une enquête plus approfondie sur les raisons qui se trouvent derrière les chiffres. Les données sur le chômage n’englobent pas tous les défis associés à la « she-cession».

Impact sur l’activité économique

Les femmes ne pourront récupérer aux niveaux pré-pandémie que bien plus tard que leurs homologues masculins. Une étude réalisée par FreshBooks illustre une comparaison entre les genres à partir du calendrier de reprise des petites entreprises canadiennes pendant COVID-19 en 2020, les entreprises appartenant à des hommes se rétablissant deux fois plus rapidement que celles appartenant à des femmes.

Les secteurs qui sont principalement opérés par des entreprises appartenant aux femmes sont plus récents, moins bien financés et plus petits, avec moins de 20 employés par rapport aux entreprises appartenant à des hommes.1 Or, ces petites entreprises « [ont connu des baisses d’activité économique plus importantes que les grandes entreprises] » en ce qui concerne les les heures travaillées par les employés et leur produit intérieur brut réel. En plus de cela, les entreprises opérant dans le secteur des services ont été encore plus durement touchées et, comme nous le savons d’après nos recherches, la plupart des femmes les y opèrent et y sont employées.

À l’échelle nationale, 45,7 % des entreprises détenues majoritairement par des femmes ont déclaré qu’elles n’avaient plus la capacité de s’endetter davantage. 

Recommandation 1 : Investir dans de futures recherches consacrées à la découverte des facteurs qui sont à l’origine de l’impact économique inégal sur les entreprises appartenant à des femmes aux niveaux individuel, organisationnel et sociétal.

Recommandation 2 : Tous les ordres de gouvernement devraient élaborer un plan pour impliquer intentionnellement les entreprises et les entrepreneurs appartenant à des femmes à participer aux chaînes d’approvisionnement.

Participation au marché du travail

COVID-19 a eu des impacts drastiques sur la participation des femmes au marché du travail. Une étude en juillet 2020 menée par la Banque Royale du Canada a montré que la participation des femmes au marché du travail était à son plus bas depuis 30 ans, comme l’illustre la figure 2.

Figure 2

Cela menace de défaire le travail de plusieurs décennies consacré à l’augmentation du taux de participation des femmes sur le marché du travail et entrave les progrès vers l’égalité entre les genres en général. C’est pour ces raisons que des investissements pour une juste reprise sont faits afin de faire progresser l’émancipation des femmes.

Donner la priorité aux efforts tangibles pour assurer et maintenir la participation des femmes au marché du travail est une condition préalable à la reprise économique et à la prospérité du Canada.

“[Nous ne devons pas laisser le patrimoine de la pandémie régresser la participation des femmes dans le marché du travail, ni régresser les gains sociaux et politiques que les femmes et leurs alliés et alliées se sont battus si durement pour obtenir]”

Gouvernement de Canada, 2020

Responsabilités de soins non rémunérées

La pandémie COVID-19 a entraîné une refonte complète des responsabilités et des routines familiales. Les écoles et les garderies ont été fermées, les visites à la famille élargie n’étaient plus une option viable et l’inquiétude des parents et grands-parents âgés s’est installée.

La fermeture et/ou les restrictions des écoles et des garderies rémunérées ont ajouté des heures et des heures de travail supplémentaire non rémunéré, y compris, mais sans s’y limiter : assumer des rôles d’enseignant à domicile et déplacer les parents âgés des établissements de santé à longue durée.

Les statistiques ont montré que le travail non rémunéré au foyer a, pour la plupart, touché plus de mères que de pères, en termes de productivité, d’emploi, de stress émotionnel, etc. En fait, le projet de reprise mettant les femmes au premier plan, le “She-Covery”, indique que « les Canadiens racialisés étaient deux fois plus susceptibles que les Canadiens blancs de cesser de chercher un travail rémunéré ou de réduire le temps consacré au travail rémunéré en raison de responsabilités domestiques accrues. »

En outre, une enquête surprenante d’Oxfam a révélé que « [71 % des femmes canadiennes [se] sentent plus anxieuses, déprimées, isolées, surmenées ou malades en raison de l’augmentation du travail de soins non rémunéré causée par COVID-19] ».

La réalité des Canadiens racialisés a également été prise en compte dans les conclusions d’Oxfam pour démontrer ces disparités: « [les Canadiens autochtones (49 %) et noirs (55 %) ont signalé de plus grands défis en raison de l’augmentation des tâches ménagères et des soins causés par COVID-19 que leurs pairs blancs (34 %). Les répondants autochtones étaient trois fois plus susceptibles que les répondants blancs de dire qu’ils ont dû renoncer à chercher un travail rémunéré en raison de responsabilités accrues en matière de soins. »

Le Canada ne récupérera pas tout son potentiel sans un solide système de soutien pour les familles avec enfants et sans comprendre les impacts spécifiques et individuels des responsabilités familiales non rémunérées sur les femmes.

Recommandation 3 : Consulter les principales parties prenantes concernant les réformes à long terme des procédures de garde d’enfants, y compris les parents, les garderies et les employeurs.

Recommandation 4 : La Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada doit publier un rapport mis à jour soulignant la nécessité des services de garde d’enfants pour la prospérité économique et sociale des femmes.

Recommandation 5 : Des discussions devraient avoir lieu au sujet des incitatifs fiscaux pour soutenir les femmes entrepreneures ayant des enfants.

Accès inéquitable au financement et à d’autres soutiens

Des pertes d’emplois aux responsabilités familiales non rémunérées, les femmes et leurs entreprises subissent sans aucun doute des coups dans toutes les directions dans cette crise économique. L’accès inéquitable au financement et à d’autres soutiens est la goutte qui fait déborder la vase.

Des efforts de secours d’urgence ont été mis en place par le gouvernement du Canada en réponse à l’impact économique de la COVID-19, mais certaines entreprises appartenant à des femmes ne bénéficient pas de ce soutien. La première vice-présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Corinne Polhmann, attribue l’inadmissibilité des femmes entrepreneures et la subvention salariale fédérale à la nature des entreprises détenues par des femmes, qui sont souvent plus récentes et plus petites et donc plus susceptibles de «passer à travers les mailles du filet». L’absence de personnel salarié pour un certain nombre de femmes entrepreneures renforce encore cette réalité, car elles ne représentent que « 16 % des petites et moyennes entreprises (PME) ayant un ou plusieurs salariés, mais représentent 38 % des auto-entrepreneurs. Canadiens employés.»1 Les femmes entrepreneures sont plutôt plus susceptibles d’être soutenues individuellement par des efforts de secours comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU).

Les femmes entrepreneurs ne peuvent pas rattraper leurs homologues masculins sur la voie de la reprise économique avec le seul soutien individuel. Ces efforts de secours mis en œuvre par le gouvernement ne produiront pas tous les effets correctifs sur l’économie canadienne si les femmes et leurs entreprises sont négligées.

Recommandation 6 : Doter les entreprises appartenant à des femmes de soutiens accessibles à tous, y compris la littératie financière et numérique, un mentorat et des conseils pertinents, l’approvisionnement et la garde d’enfants.

Recommandation 7 : L’utilisation d’une lentille intersectionnelle pour répondre aux besoins des femmes entrepreneures qui sont des travailleuses autonomes ou situées dans des régions éloignées afin de leur rendre accès à un soutien plus équitable.

Impacts supplémentaires sur les femmes à considérer

Vous trouverez ci-dessous une liste de considérations qui n’ont pas été adressés dans ce rapport mais qui sont toutefois importantes. Des recherches et des ressources supplémentaires devraient être déployées afin de traiter :\

  • l’augmentation des violences basées sur le genre pendant le COVID-19;
  • les cas de discrimination raciale et son impact sur les femmes entrepreneurs;
  • la violence domestique;
  • les personnes sans-abris;
  • la nécessité pour les femmes de mettre à leurs carrière afin de s’occuper des tâches familiales et domestiques;
  • le manque de ressources disponibles pour les femmes qui souhaitent se reconvertir professionnellement.

Pensées de conclusion

Il est clair que les expériences des femmes et de leurs entreprises pendant cette pandémie sont uniques et multidimensionnelles. L’utilisation d’une lentille intersectionnelle est nécessaire pour répondre aux besoins des femmes pendant cette période, car elle reconnaît la diversité et la nature sexospécifique de leurs expériences – que toutes les femmes ne sont pas touchées de la même manière ou au même rythme.

Considérer cette réalité comme étant exclusivement un « problème de femmes » attribue la responsabilité de la reprise économique aux femmes et aux femmes uniquement, mais nous avons besoin du travail collectif de chaque niveau de gouvernement, de chaque communauté et de chaque individu.

Nous demandons de donner la priorité aux efforts matériels pour atténuer l’impact économique et social disproportionné sur les femmes. La reprise économique du Canada restera un rêve lointain jusqu’à ce que la sécurité économique des femmes soit garantie.

Remarque : les recommandations incluses dans ce rapport ont été inspirées par les recommandations décrites dans le projet She-Covery : Confronting the Gendered Economic Impacts of COVID-19 in Ontario.


References

1- Claudia Dessanti, The She-Covery Project Confronting the Gendered Economic Impacts of COVID-19 in Ontario.
2- RBC Economics, Pandemic Threatens Decades of Women’s Labour Force Gains.
3- FreshBooks, Canadian Women-Owned Small Businesses Taking Twice as Long To Recover From COVID-19 Compared to Businesses Owned by Men.
4- Statistics Canada, Study: Economic impact of the COVID-19 pandemic on Canadian businesses across firm size classes.
5- Statistics Canada, Data to Insights for a Better Canada Impact of COVID-19 on businesses majority-owned by women, third quarter of 2020.
6- RBC Economics, Pandemic Threatens Decades of Women’s Labour Force Gains.
7- Oxfam Survey, 71 per cent of Canadian women feeling more anxious, depressed, isolated, overworked or ill because of increased unpaid care work caused by COVID-19: Oxfam survey.
8- Open Parliament, Status of Women Committee on Nov. 17th, 2020.
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